Le temps du rêve et le rapt de Perséphone ! ...
Quel curieux rapprochement, me direz-vous !
En effet, il fallait oser la mise en perspective de ces précieuses légendes aborigènes, au moyen de l'un des principaux mythes de la Grèce antique ...
Mais, pour qui est un tant soit peu curieux, notre démarche ne paraîtra pas exagérément décalée !
En effet, les scientifiques n'ont-ils pas récemment, remisant leur mépris légendaire, cherché la correspondance entre certains événements géologiques, voire cosmiques, et quelque élément insistant de l'antique et merveilleux récit jusqu'à nous parvenu ?
Comment le temps du rêve s'est-il achevé en Occident, à cette époque où nous ne faisions pas exception ?
Voilà bien une question que nous ne nous posons pas !
C'est, à tout le moins, ce que n'investigue pas l'histoire officielle, trop affairée il est vrai, à conter la saga des vainqueurs pour s'intéresser de surcroît à l'évolution du psychisme ! ...
Le récit des batailles, des rois et des empires, voilà qui peut aider le quidam, nécessairement né quelque part, à se situer sans plus tarder dans le chaos de la vie, à dissiper le brouillard originel où, innocent encore, l'on ne distingue pas l'ami de l'ennemi ! ...
Pour en revenir à "notre" temps du rêve, il nous reste quelques marqueurs de ses derniers instants, ainsi Homère et ses muses incomprises ...
Peut-être faudrait-il aussi examiner le contraire de tout ce qui nous caractérise désormais !
Le "moi je" occidental !
Quand bien même notre "modèle" s'étend spatialement, inexorablement, nonobstant de nombreux soubresauts, il n'en reste pas moins que si nous devions caractériser notre civilisation, c'est bien la naissance et la montée en puissance de cet isolement psychique, de cette intime séparation qui s'imposerait !
La naissance de ce phénomène, le surgissement de l'individu, cet atome social, sont particulièrement bien documentés en Grèce à partir du VIIème siècle avant J.C.
Ce nouvel échelon, indivisible, en rupture avec celui ancestral et prégnant de la tribu, résulte d'une métamorphose psychique dont seul le mythe a souvenir ...
Ce mythe c'est le rapt de Perséphone, qui n'est pas une mise en images d'un concept préalable comme nous le pensons du haut de notre anachronisme crasse, mais une lecture directe d'évènements se produisant dans un monde qui, depuis lors, s'est retiré de notre conscience !
Si Platon s'est servi de ce procédé à des fins pédagogiques, comme dans l'allégorie de la caverne, c'est précisément qu'il disposait de la pensée conceptuelle, celle-ci n'existant pas encore au moment où furent élaborés les "vrais" mythes ...
Le rapt de Perséphone ou le paradoxe de notre liberté née en prison ! ...
Ce mythe fondateur de la condition humaine peut être lu de différentes manières!
Il décrit entre autres le mystère des vies successives, de la réincarnation, mais tel n'est pas notre propos aujourd'hui !
Ce qui nous importe ici, c'est ce qu'il nous dit de ce moment crucial, fut-il dilué dans la longue durée, où la conscience de rêve s'estompe pour laisser place à la conscience claire, à la raison ...
Perséphone représente aux yeux des anciens grecs la conscience de rêve, clairvoyante, "non propriétaire", dirions-nous désormais !
Pluton, le malfrat, représente le corps de chair, après avoir représenté, il est vrai, l'enfer ! ...
Il est intéressant de noter à ce sujet qu'à une époque tardive, tout s'est inversé dans les représentations des anciens Grecs : l'enfer n'est plus ce qui nous attend une fois passé le porche de la mort, mais ce corps périssable endossé pour une nouvelle vie d'épreuve, ce qui paradoxalement nous ramène à l'idée de réincarnation ...
Epilogue
Dès lors qu'il s'agit d'investiguer la longue durée, l'histoire semble rapidement s'essouffler. Le mythe est une mine à ciel ouvert, mais nos anthropologues, scientifiques intraitables, mais pour autant enfants de l'Eglise romaine, se pincent le nez à l'évocation de ce précieux matériau !