Ces prédictions oubliées du Galiléen qui s'invitent à nouveau au débat ! ...
En ce temps apocalyptique 1 , à tout le moins intense, bouleversé, insaisissable, parcouru, nervuré d'interrogations existentielles, de remise en cause des arguments d'autorité, jusques et y compris dans la toute puissante science elle-même, et, simultanément et paradoxalement, de repli identitaire, "réflexif" d'une certaine manière, on pourrait dire de façon, certes un peu triviale : "Il y en a pour tout le monde !"
Au fil des siècles, ces paroles prédictives furent oubliées, volontairement parfois, notamment par l'Eglise que certaines d'entre elles dérangeaient, ô combien ! ...
Aux astrophysiciens, récemment envahis par le doute 2, et, comme en écho aux "oracles"et invectives d'Héraclite, l'empêcheur de penser en rond, il y a tout d'abord cette tentative, restée en jachère, d'exprimer l'ineffable : "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas !"
Pour l'Eglise félonne, reste cette épine dans le pied, ce réquisitoire prémonitoire, ce non-dit gêné, cette prédiction embarrassante confiée à la Samaritaine !
A ceux qui, malmenés par l'actuel brouillage des représentations, que ce soit par réflexe ou à leur corps défendant, ont tendance à se replier sur eux-mêmes, réunis à nouveau autour d'un totem de circonstance, tel ce "judéo-christianisme" détourné de sa véritable signification, sorti in extremis de derrière les fagots pour rallumer la flamme, il y a ces dernières paroles prononcées sur la croix " Femme, voilà ton fils, fils voilà ta mère ... ! "
A tous ceux qui voyaient, et voient encore la mort comme une fin "du soi", et partant, comme une fin "en soi", si l'on peut dire, il y a ce langage du corps de résurrection qui n'est certes pas ce "corps de chair" des théologiens matérialistes, opportunistes, mais le corps éthérique ...
"Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas !" (Matthieu 24-35)
A peine libérés de la crainte de l'apocalypse, assidûment travestie par les professionnels de la peur, nous voilà désormais confrontés à celle bien matérielle, bien réelle comme nous aimons à dire, savamment concoctée au cours de la seconde guerre mondiale ...
Illustrant ainsi de manière tragico-ironique la parole de Philon : "Celui qui échappe à Dieu détruit la cause première et fait de lui-même la cause de tout ce qui existe!"
Prédiction que d'aucuns jugeront fanfaronne mais qui, à y regarder de plus près, fait écho à Jean, joignant ainsi le commencement à la fin : "Au début était le Verbe!" !
Confiée à la Samaritaine, cette curieuse prédiction autour d'un puits !
Le puits revient souvent dans les récits anciens tels que l'épopée du Mahabharata ou "Le récit de l'exil occidental" de Sohravardi !
Tout comme dans ce dialogue du Galiléen avec la Samaritaine, il est le symbole de l'incarnation, et partant, de notre soif jamais étanchée de plaisirs sensuels ...
Ce dialogue que les historiens des religions devraient ausculter au premier chef, retrace l'évolution de notre psychisme !
Notamment l'intériorisation progressive qui conduit l'individu, ce tout nouvel arrivant, doté d'un "moi", à être en contact direct, sans intermédiaire, avec l'Esprit !
Si telle est sa volonté !
Ainsi, la rencontre avec l'Esprit ne se fera plus sur la montagne sacrée, et bientôt plus au temple, mais en esprit, cette troisième et divine dimension en l'Homme qui sera subrepticement amputée par le concile de 869 , nous réduisant à une dualité corps âme 3, avant que cette dernière ne soit remplacée par une intelligence d'essence "biologique" ! ...
" Femme, voilà ton fils, fils voilà ta mère ... ! " ( Jean 19-26)
Il s'agit-là de la plus grande césure, "oubliée" par l'anthropologie d'école, dans la longue, très longue histoire du sang et de notre psychisme !
Si désormais l'individu est le premier échelon de la société, longtemps très longtemps ce fut la tribu, fondée sur la loi du sang ...
Comme il en fut de l'atome, longtemps réputé insécable, avant que ne vienne sur le devant de la scène le quark, insolent, insaisissable ! ...
Avant cette déflagration tombée du haut de la croix, il y avait eu ce signe avant-coureur tel que présenté au début de la Bhagavad-Gïta !
Si, comme nous commençons à le redécouvrir, il existe une étroite corrélation entre le cosmos et nos évolutions, ce que les anciens hindous nommaient "dharma", on prêtera une attention particulière au dilemme d'Arjuna, incité par Krishna, contre toute attente, contre toute tradition, à accepter de combattre ceux de son sang ! ...
Le crucifié a, quant à lui, annoncé et sanctifié ces nouvelles affinités spirituelles qui transcendaient la loi du sang ...
La résurrection de la résurrection !
Tant que l'Eglise romaine, impériale, félonne, dévoyée, menaçante, pouvait encore dissuader tout "hérétique" en herbe de remettre en cause sa version matérialiste de ce qui reste un mystère, nous eûmes droit à cette aberration de la résurrection du Galiléen "en chair et en os"!
Quand cette autre dictature, fille cachée de l'Eglise honnie (baptisée du sacrosaint label "scientifique"), prit le pouvoir sur nos représentations labiles et haletantes, il était déjà trop tard !...
L'infaillibilité papale, prononcée à la hâte en raison de la débâcle avérée, n'y pouvait plus rien !
Longtemps occultés, divulgués sur le tard 4, édulcorés, évidés de leur dimension spirituelle, et pour finir, moqués, dévalorisés, mis au ban de la rationalité triomphante, les évangiles ont "apparemment" fait long feu, et ce, depuis belle lurette ! ...
Pourtant, une lecture quelque peu attentive de la relation minutieuse, circonstanciée, de cet "épisode" pour le moins controversé, démontre qu'il s'agit là d'un "phénomène" qui n'a rien, mais vraiment rien de matériel, ou, pour le dire autrement, qui ne se déroule pas dans notre monde sensible ! ...
Toutefois, au regard de notre nouvelle exigence, fixée "une fois pour toutes" par Parménide, rien ou presque ne précise nettement le "lieu" où cette apparition se serait déroulée !
Par conséquent, en l'absence de lieu identifié, la résurrection n'a pas eu lieu ! ...
Henry Corbin, ce globe-trotteur inspiré qui tenta de recoudre notre passé déchiré ! ...
Pourquoi le chemin de cet homme le mena-t-il de l'interrogation heideggérienne aux platoniciens de Perse ?
Pourquoi son travail, alors confiné au cercle Eranos, commence-t-il à nous intéresser vivement, à sa grande stupéfaction certes, mais désormais posthume ? ...
Ce qui reste, ce qui compte, c'est son témoignage sur cette embardée de l'Occident qui ne se sait plus enlisé dans l'ornière qu'il créa de toutes pièces, sacralisée sous l'idée de "matière"... "maya", murmurent à nos oreilles incertaines les anciens hindous !
Du 3 holistique, nous fûmes astreints, confinés, au 2 réducteur !
Qu'est-ce à dire ?
Pour Paul, ce héraut improbable, infatigable 5 de la bonne nouvelle 6, l'Homme, ce microcosme, est triple, à l'image du macrocosme !
"Corps, âme, esprit !"
L'âme n'est alors pas l'esprit, et l'esprit n'est pas ce à quoi il est désormais réduit, à cette intelligence éphémère ...
En l'an 869, l'Eglise romaine fit furtivement une croix sur cette représentation qui menaçait ô combien sa mainmise sur les consciences !
Qui s'en souvient ?
Qui pourrait bien s'en souvenir, alors qu'amputés de l'esprit, cette troisième et essentielle dimension, nous en sommes à nous demander si l'idée même d'une âme a encore un sens ?
Les manieurs de scalpel, déguisés en théologiens, avaient, en cette année funeste, manifestement, mais en toute discrétion, foulé aux pieds la prédiction faite à la Samaritaine !
De son long séjour chez les platoniciens de Perse, Henry Corbin nous ramena l' étrange idée d'un "Intermonde" !
Idée de prime abord incompréhensible, incongrue, à tout le moins pour nous qui, après avoir purgé le monde spirituel de sa substance, sommes désormais focalisés sur le seul monde sensible, tangible, palpable, matériel en somme ...
Il y a si longtemps, nous l'avons oublié, pour nos aïeux le monde spirituel n'était pas monolithique, il comportait ce que nous pourrions appeler une antichambre !
Un lieu de rencontre et de purification, purgatoire pour les chrétiens, à partir du XIIIème siècle, Kamaloca pour les hindous, depuis la nuit des temps !
Dans cet intermonde à nous restitué par Henry Corbin, "situé"entre notre monde sensible et le monde spirituel proprement dit (monde "intelligible" pour Platon), l'Esprit se donne à voir dans l'étendue, autrement dit dans des formes plus ou moins familières, rencontrées dans notre monde sensible ...
C'est le monde de toutes les rencontres, sublimes ou effrayantes, selon l'état psychique de celui qui y est admis !
C'est en ce "lieu" que se retrouva enfin Sohrawardi, comme il s'en ouvre dans son captivant récit intitulé "l'Exil occidental", c'est encore en ce lieu que furent admis "en premier lieu" Marie Madeleine, tout d'abord interloquée, incrédule, privée de repères, suivie de quelques autres, clairvoyants ataviques ou en chemin, lors de la si mal expliquée résurrection !
Il suffit pourtant de lire attentivement la relation de ce "phénomène" un instant répétitif pour constater que chaque apparition n'a pas lieu dans notre monde sensible !
Quand à Saul de Tarse, ce n'est pas, à l'évidence, dans un rue de Damas qu'il eut cette révélation, mais en un lieu qui ressemble étrangement à la définition de ce "huitième climat" des mystiques iraniens ...
1 - Apocalypse signifie initialement : révélation, dévoilement; ce qui peut s'avérer effectivement destruc teur pour nos représentations issues du témoignage de nos sens ...
2 - Voir notamment les travaux récents de Jean-Marc Bonnet-Bidaud sur ce "Big Bang" en passe de faire "pschitt" ! ... Et, le cas échéant, notre article paru le 14 septembre 2020, intitulé : La matière noire signe-t-elle la fin du matérialisme ? ...
3 - Voir à ce sujet les conférences de Henry Corbin et de Rudolph Steiner.
4 - Après avoir violemment étouffé dans l'oeuf la juste révolte cathare qui embrasa le XIIIème siècle, l'Eglise romaine fut bien obligée, au temps venu de la réforme protestante, d'en revenir aux écritures ! ...
5 - Saul de Tarse, intellectuel brillant, initié aux mystères grecs et juifs, pourfendeur des premiers chrétiens, n'avait certainement pas prévu la rencontre de Damas!
6 - La bonne nouvelle c'est celle dont il avait farouchement nié la réalité, avant cette rencontre dont on peut imaginer qu'elle eut lieu dans cet intermonde à nous restitué par Henry Corbin.