Une nouvelle lecture de Jung à la lumière de la science de l'esprit !
Avertissement
De nombreuses lectures ont été faites de l'oeuvre de Jung, plus ou moins convergentes, mais jamais, à ma connaissance, celle-ci ne fut mise en perspective au moyen malicieux de la Science de l'Esprit, appellation éminemment paradoxale, eu égard à la position dominante voire exclusive de la science officielle, cette toute nouvelle église prompte à désigner l'hérétique ! ...
Afin de ne pas décrocher dès les premiers résultats de cette confrontation, il semble important que chacun s'acclimate préalablement, ne serait-ce qu'aux rudiments de cette nouvelle "discipline", de prime abord déconcertante pour le néophyte de passage, voire urticante pour celui dont les représentations sont d'ores et déjà stratifiées 1 ...
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Une fois affranchi de la tutelle de Sigmund l'imposteur, Jung restitua patiemment sa dignité et son abyssal mystère à l'inconscient, à cette dimension ignorée de qui de droit, et qui excéde en effet très largement la seule histoire personnelle de l'individu, sa culture, son époque, et jusqu'à son intelligence, du moins au stade où nous en sommes ! ...
La question que personne ne se pose, au delà des résultats minutieusement enregistrés et brillamment interprétés par Jung quant au récit de nos rêves, pourrait se formuler ainsi :
Quel fut le grand mérite induit de Jung ?
Ceux qui s'intéressent à l'évolution de notre espèce, remarqueront aisément que quiconque, jusqu'alors, jusqu'à ce trublion, tentait de définir la spécificité de l'Homme, travaillait exclusivement à partir de ce qui ressortait de son activité diurne, dite "consciente" !
Par exemple, cela donna l'histoire de la philosophie, des religions, des comportements, des mentalités etc.
Si Jung s'est "contenté", en raison notamment de sa formation scientifique et d'un contexte hostile à tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un dérapage spirituel ... si donc il se contenta d'analyser les "exsudations" de notre inconscient, il n'en a pas moins mis en pleine lumière l'importance des rêves, et partant, si nous ne sommes pas abandonnés en rase campagne par la fée logique, de notre activité nocturne !
Son propos initial certes n'était pas là, mais la question décidément se pose : quelle est donc cette activité nocturne, comment peut-on éventuellement la caractériser ?
Sauf oubli de ma part, c'est uniquement chez Rudolph Steiner, à l'occasion de l'audition de ses conférences tenues à Oslo au printemps 1923, que j'ai trouvé une réponse (stupéfiante il est vrai !) à cette question que, depuis que nous "dormons debout", comme disaient les anciens Grecs sous le regard inquiet de Mnémosuné, nous avons "courageusement" enfouie sous l'oreiller ! ...
Ici, il faut revenir à l'avertissement émis plus haut, y insister, et, à tout le moins, aux plus pressés d'entre nous, il faut indiquer ce geste, difficile mais nécessaire, qui consiste à se "déchausser" de nos a priori, de nos opinions, de nos représentations, bref de tout ce qui nous permet de terrasser, jour après jour, notre doute existentiel, de pousser un peu plus loin lors de ce rêve éveillé que nous nommons la vie ! ...
Qu'advient-il "réellement" de nous entre l'endormissement et le réveil ?
Avant cela : en première approximation, Jung et Steiner partagent la même vue sur le "moi", vous savez, notre ambassadeur inamovible, celui que l'on met en avant à tout propos en proclamant urbi et orbi : "moi je" !
Pour Jung, c'est un masque, plus ou moins grimaçant, une interface factice, de circonstance, avec notre entourage, une "simple" construction sociale et culturelle dont beaucoup n'ont pas conscience !
Pour Steiner non plus ce n'est pas le vrai "moi" !
Leurs chemins se séparent, apparemment au moins, sur la question de ce vrai "moi", que Jung appelle le "soi", mais plus particulièrement sur la manière d'y accéder !
Jung, scientifique "dans l'âme" entreprend d'analyser le peu qu'il nous abandonne le matin au réveil, afin de tenter d'y déceler ce qui pourrait contribuer à édifier et/ou retouver notre vrai "moi", au delà de l'emprise subliminale de l'inconscient collectif et de nos constructions éphémères ...
"Yo soy yo y mis circunstancias !" José Ortega y Gasset.
Le Steiner occultiste, s'intéresse quant à lui à notre activité nocturne, et plus particulièrement à ces deux composantes que sont notre corps astral et notre "moi", qui "abandonnent" provisoirement le corps physique et le corps éthérique, son moule invisible 2, pour rejoindre le vrai "moi", resté en arrière dans le monde suprasensible; en d'autres termes, qui ne s'est pas incarné ! ...
Cette confrontation nocturne, ce "reset", donne lieu, entre autres, à un "examen de conscience" rétrospectif des actions et pensées diurnes ...
En vérité je vous le dis : "Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux ! " Matthieu 18-3.
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Toutefois, l'on pourrait esquisser une passerelle entre les deux, dans la mesure où Jung avait tenté de décrire son "soi", quelque peu nébuleux à vrai dire, en évoquant l'atman des anciens hindous, cet atman qui aspire secrètement à rejoindre le brahman ! ...
Mouvement occulte, respiration éternelle qui unit indéfectiblement l'Un et le multiple, "instant" rythmique que nous nommons "univers" ! ...
Quant à son principe d'individuation, tout aussi confus pour le badaud que nous sommes, ne consiste-t-il pas à se mettre à distance de soi-même pour savoir enfin ce que l'on est venu faire dans cette galère, en prise, non identifiée, à nos contradictions ? ...
Proclus, le grand Proclus, avait jadis posé des jalons en décrivant l'âme comme "grosse" de tous les potentiels, de tous les possibles, et notre vie comme l'actualisation d'une de ces innombrables configurations ...
Vision biologique avant la lettre, alchimique avant l'oubli !
1 - Môssieur "De source sûre !", personnage monolithique, campé par Jacques Martin, ce lointain descendant de Voltaire, notre humoriste regretté ! ...
2 - Voici, à ce sujet, et pour qui sait lire, un court passage de la vision de Sohravardi intitulé " Le récit de l'exil occidental" :
Il nous fut dit: "Vous ne commettrez aucune faute, si, la nuit venue et vous étant dépouillés de vos vêtements, vous montez au château. Mais à la pointe du jour, il vous faudra absolument redescendre au fond du puits."
7. Certes, au fond du puits, il y avait "des ténèbres s'entassant sur des ténèbres" (Coran 24/40). Lorsque nous étendions nos mains, c'est à peine si nous pouvions les voir (24/40).