Darwin échoué au pied du Sphinx !
Quelle drôle d'idée ? ...
Par quel étrange coup du sort, le HMS Beagle aurait dû faire escale en Egypte ?
Quels vents facétieux auraient bien pu l'amener manu militari à cet endroit, loin, si loin de sa route, décidant contre toute raison de la nécessité de cette étape, comme il en fut jadis lors du périple initiatique d'Ulysse ? ...
Le monde, ou du moins celui qui se prélasse dans nos actuelles représentations, en eut-il été changé ?
En ce XIXème siècle effervescent, impérial, autosatisfait, amateur pour autant d'exotisme, curieux du passé, l'heure n'était plus aux héros en quète d'une immortelle gloire, mais à des individus poussés par leur insatiable quête d'une nouvelle vérité, brusquement affranchis des arguments d'autorité assénés du haut de la chaire ...
Toujours est-il que son destin l'emmena sans barguigner aux Galàpagos, endroit volcanique, annonciateur de grands bouleversements, où l'évolution n'avait pas laissé de traces sculptées, dans la pierre tout au moins !...
Son intelligence ne se retrouva donc pas confrontée à l'énigmatique rencontre minérale, figée pour la postérité, d'un taureau, d'un lion, d'un aigle, insolite écrin d'un visage humain 1, mais au désordre apparent, bien vivant celui-là, de tortues, d'iguanes, d'otaries et de pinsons ...
Cependant, rien n'interdit d'imaginer la perplexité de Darwin au pied du Sphinx !
Aurait-il alors pensé qu'il y avait là une curieuse suggestion quant à la mystérieuse relation entre l'Homme et l'animal ?
Et pourquoi ceux-ci qui, à l'évidence, nous ressemblent si peu, alors qu'un autre s'évertue à nous imiter ?
A ce propos, parmi les innombrables biographes, hagiographes béats et autres critiques sectaires de ce nouveau Moïse 2, qui a jamais suggéré que sa théorie de l'évolution aurait pu naître lors d'une méditation devant l'une quelconque des représentations du sphinx, alors en circulation dans son milieu ?
En cette hypothèse, puisque, dans ce dialogue muet, il avait ainsi redonné la parole à l'énigmatique rébus minéral 3, celui-ci aurait-il résisté à la tentation de lui poser la question jadis soumise à Oedipe ?
A cet Oedipe qui venait de tuer son père sans le savoir 4, et de manière implicite, à l'Homme en rupture de ban, en proie désormais aux affres de l'oubli, le Sphinx indique cette différence ténue, pour autant essentielle, qui le distingue des autres êtres animés !
Quelle dernière révélation fait le Sphinx à Oedipe, avant de disparaître à tout jamais de la vue des hommes ?
Cet étrange mélange d'oubli et de conscience que nous sommes, est le seul à être "tout à la fois" doué de parole, à marcher "à la verticale" 5 , à imaginer des orthèses complexes ...
Pour autant le Sphinx ne dit rien de lui, ne dit mot de cette image étrange et composite qu'il véhicule, où s'entremèlent quatre archétypes si différents, pour une fois réunis !
Alors, quel secret recèle le sphinx sur notre intimité avec le lion, le taureau et l'aigle ?
Et tout d'abord, pourquoi avec ces trois-là ?
Dans la devinette soumise à Oedipe, le Sphinx laisse la parole à l'image sculptée, vraisemblablement suffisante à son avis, sans qu'aucun Champollion ne soit venu à notre secours en vue de divulguer l'esprit à l'oeuvre dans cette oeuvre !
Darwin ou le parcours d'un combattant !
En ce premier quart du XIXème siècle, comment avancer au milieu des décombres d'une imposture qui se meurt mais ne se rend point, en témoigne la stricte datation de notre planète, "bibliquement" obligée et qui exclut a priori toute possibilité d'évolution, par manque de temps !
A titre d'exemple, la lecture indigente des généalogies proposées par Mathieu et Luc, a lentement mais surement imprimé les représentations de ses contemporains, cet âge "vénérable" de quelques milliers d'années de notre mère la Terre !
Ne parlons pas des "six jours" de la création dont Origène avait bien vu qu'il ne s'agissait pas de nos jours mais de cycles cosmiques 6, avant que l'Empereur Justinien, estimant que la théologie était affaire trop sérieuse pour être confiée aux théologiens, ne s'acharne à expulser la pensée jusqu'alors très influente de cet exégète inspiré, au prétexte fallacieux, corvéable à merci, d'hérésie ...
Mais plus encore, comment envisager l'évolution, apparemment gourmande de longue durée, à la surface d'une Terre vieille de quelques milliers d'années, tout au plus ?
Et pour finir, comment envisager l'évolution, quand la pensée positiviste, née d'une table rase, ne sait plus rien des "sauts brusques" consignés dans cette tradition qu'elle méprise 7 ?
Darwin avait-il des oreilles pour entendre ce que le Sphinx avait à lui dire ?
D'une certaine manière, enfant de son époque, nominaliste à tous crins, mais plus encore Kantienne, il n'aurait pas été déstabilisé par la présence à première vue redondante de ces deux mammifères que sont le lion et le taureau ...
Il aurait même pu voir là un début d'explication, car, ne croyant pas aux catégories, aux espèces en l'occurrence, il ferait son miel de l'irréductible singularité de ces deux-là, étiquetés "lion" ou "taureau", par commodité de langage!
En homme de son siècle, il ne sait rien encore de la génétique, c'est-à-dire de l'intimité du microcosme.
Quant à la relation de ce dernier avec le macrocosme, silencieusement active, il y avait belle lurette que l'Eglise avait consacré leur divorce !
Ces savoirs interdits à Darwin ! ...
Il n'a plus non plus accès à l'astrologie, à la mythologie, sciences exemptes d'expérimentation en laboratoire 8, bannies par les nouveaux zélés romains, kmers rouge de la basse antiquité ! ...
En deux mots, Darwin ne sait plus (qui le lui aurait dit ? ...) que les antiques sculptures sont indissociables de leur contexte, images accompagnées alors de leur légende mythologique !
Indéchiffrables désormais à la lueur de nos pauvres concepts, sauf à considérer qu'elles furent édifiées sous la direction d'initiés, et tenter de retrouver ce qu'ils avaient vu et que nous ne voyons plus ! ...
Que vient faire l'Homme au milieu de ces trois-là qui eurent le bon goût de ne pas nous imiter ?
La mythologie, contemporaine de ces scupltures, met souvent en récit, ici minéral, quelque initiation spécifique, en guise de légende, pourrions-nous dire ...
Ainsi Thésée eut à vaincre le Minautore; quant à Hercule, ce fut le lion de Némée ...
Le décryptage du mythe de Thésée n'est pas très compliqué, le Minotaure étant le résultat d'un croisement entre un taureau et une simple mortelle, fut-elle l'épouse du roi Minos. Comment mieux expliquer ce mélange dont nous sommes faits, ce composé instable de bas instincts et de "lumière" que l'Homme a la charge d'identifier, victorieux tout d'abord de l'éprouvant labyrinthe qui le sépare d'une véritable connaissance de sa double nature : "Connais-toi toi même!" reprendra Socrate en écho à l'impératif delphien ! ...
Le premier des travaux d'Hercule l'est un peu plus, si ce n'est l'image métaphorique et insistante de "la peau dure du lion de Némée" ...
Une fois de plus, il nous faut faire appel à la mémoire du langage, car désormais, ce qui a "la peau dure" comme la haine, la rumeur, nos travers et autres mauvaises habitudes, semble décidément difficile à vaincre !
Que représente donc le Lion de si prégnant qu'il nous faudrait vaincre ?
Volonté de pouvoir, image de soi, rancune ... en astrologie karmique chacun sait que le lion doit apprendre le pardon et l'humilité !
Cuauhtli, l'aigle retrouvé !
La relation plusieurs fois millénaire qui unissait les hommes aux étoiles et aux constellations, fut sujette, comme chaque chose en ce bas monde, à quelques variations, à quelque oubli significatif ! ...
C'est donc chez les Aztèques, ces autres bâtisseurs de pyramides, que nous avons retrouvé la signification occulte de l'aigle !
L'homme qui, selon le mythe qui, patient, nous attend, a réussi à vaincre les forces brutales qui gisent en lui, à les harmoniser 9, devient réceptacle, prêt pour une éventuelle connexion avec le monde céleste ...
C'est le sens, désormais ignoré, de cette colombe qui apparaît au moment du baptème dans le Jourdain !
Epilogue !
Depuis la nuit des temps, l'Homme aimerait en savoir un peu plus sur son origine !
Les discours ont varié, au fil du temps et des pouvoirs, sans qu'apparemment rien ne nous satisfasse définitivement, puisque à l'avant-dernier, celui de la chute, interminable, asséné, culpabilisateur, succéda celui de "la cerise sur le gâteau" de l'évolution, plus valorisant il est vrai, quand bien même celui dont nous serions issus a peu de chance de monter un jour les marches du festival de Cannes ! ...
Notre époque en effet, semble découvrir avec une certaine délectation notre proximité génétique et, qui plus est, comportementale, avec le singe, ce qui, à l'évidence, remet en cause la sacro-sainte Genèse, enterrée, pitoyable, au cimetière des croyances un temps utiles, en attendant son petit frère, le Big bang !
Cet inextinguible désir de libération du joug des imposteurs a joué, et joue encore, bien évidemment, dans cette nouvelle lubie, mais il me semble que sur le fond, quelque chose de plus important emporta la décision de ce choix !
Et c'est la concordance "récemment" imposée entre le compte rendu de nos sens (cette étrange ressemblance en l'occurrence), et la logique, vous savez, celle qui fait l'Homme ! ...
De ce point de vue, ni Galilée, ni la physique quantique, n'ont réussi à nous décontaminer de l'empreinte aristotélicienne ! ...
Alors, pourquoi, s'il s'agit toujours bien du mystère de notre origine, auraient-ils, ces consanguins clairvoyants au pouvoir, convoqué le Lion, le Taureau et l'Aigle ?
N'est-ce pas contre-intuitif ?
Pour nous qui, malgré l'adage, nous fions toujours aux apparences, voyons en la matière, la chair en l'occurence, l'ultime vérité, oublieux de nos corps subtils 10, pour nous qui redécouvrons tout juste les forces à l'oeuvre, telluriques et/ou cosmiques, le choix de ces trois-là laisserait supposer que les égyptiens n'auraient jamais aperçu le moindre singe, à tout le moins croisé le regard de ce miroir déformant ! ...
La périlleuse expérience de pensée de Darwin, à l'aveugle, déambulant à la surface obscure d'une planète alors vieille de six mille ans tout au plus, que n'éclaire pas encore de tous ses feux la prolifique génétique, oublieux déjà de l'obscure poïétique ! ...
Mais revenons à nos pinsons ! 11 ...
Pour des causes alors inconnues, certains individus présentent soudain quelque étrange variation ... promis de ce fait au cimetière surpeuplé des "essais-erreurs", sauf ... sauf si une autre variation, environnementale celle-là, intervient alors et qui serait favorable au mutant téméraire !
C'est donc ce double pas de coté, augmenté de sa synchronicité, qui détermine l'évolution des espèces ! L'instabilité de l'écosystème jouant le rôle de l'éleveur briton...
Essai-erreur ou évolution, rien ne va plus, faites vos jeux ! ...
Nous serions donc là, une fois de plus, le résultat d'une erreur ! ...
Reset, on oublie tout ! ...
Au diable Vauvert le mangeur de pommes, l'expulsé du banquet, le descendu de l'arbre, le guetteur inquiet, monté sur ses ergots, le schème intelligible, poussière d'étoiles, ou bien fait de glaise, le pantin aux mains des dieux ventriloques ou bien encore victime d'une machiavélique simulation, l'animal politique ...
Partons de ce qui nous distingue réellement, à savoir cette question sur nous-mêmes au sujet de laquelle l'ensemble du vivant semble décidément discret !
"Curieux de son origine, pour ne pas dire de son originalité, de ce qu'il fut en somme, avant d'être ce qu'il est, l'Homme est définitivement étranger à ce monde !" ...
Eh bien c'est faux !
Et nous pouvons désormais dater cet exil ! ...
A suivre ! ...
1 - Avant l'érosion profanatrice plusieurs fois millénaire et/ou autres retouches apportées par quelque sculpteur/marteleur en rupture de mémoire, le Sphinx symbolisait le lion, le taureau, l'aigle et, comme émergeant de ce bestiaire pour le moins bigarré : le visage d'un homme ! Non soumise à ces contraintes terrestres, cette curieuse assemblée se retrouve au complet dans l'Apocalypse de Jean .
2 - Ne s'agit-il pas là en effet du père d'une nouvelle genèse, et qui deviendra la bible de nombreux nouveaux croyants ?
3 - La sphinge en réalité, ce sphinx des anciens Grecs !
4 - Ce mythe, odieusement squatté par Freud, annonce rétrospectivement la tragédie de l'Homme qui vient de tuer le Père céleste pour se vautrer bientôt dans le lit de sa mère, Gaïa. Le tout en "toute innocence" et totale inconscience ! ... Le mythe a, faut-il le rappeler, une tout autre ambition que de transformer les fantasmes d'un enfant perturbé en gloire éternelle ! ...
5 - C'est dire que, toute proportion gardée, son cerveau sera moins soumis à la gravité que la plante de ses pieds !
6 - Ces jours ne sont à l'évidence pas les nôtres, ponctués par le "lever" du soleil, celui-ci n'apparaissant que le quatrième jour dans la Genèse ... En première approximation, pour renouer avec cette vision du temps décrite par Moïse, n'ayant rien oublié du cyclique, on pourrait utilement approfondir le "concept" de jour de Brahma des hindous !
7 - Ces sauts brusques d'ores et déjà constatés par les systématiciens en biologie, sans que la sacro-sainte théorie de l'évolution matérialiste ne tressaille ...
8 - De ce point de vue, la théorie du "bing bang" est-elle positiviste ? Et pourtant elle prévaut ! ... Science sans croyance n'est que ruine de ...
9 - Tout débat sur la corrida ou les safaris qui ignore cet arrière plan psychique, est condamné à l'affrontement rituel des ignorances !
10 - Depuis ce jour où Adam et Eve eurent honte de se voir ainsi dénudés ! ...
11 - Le mouton des Galapagos, l'ecosystème servant d'éleveur ...